vendredi 13 avril 2018

Les loyautés, par Delphine de Vigan, éditions JC Lattès

Un jeune de 12 ans est repéré par une enseignante. Elle détecte chez-lui quelque chose qui ne va pas. Le radar de cette femme est fin puisqu'elle croit percevoir chez ce jeune les symptômes d'expériences qu'elle a elle-même vécues à son âge. Le jeune en question vit en garde partagée. Peu sociable, il n'a qu'un seul ami du même âge. La mère de ce dernier n'aime pas la fréquentation de son fils. En couple "stable", elle découvrira toutefois que le temps est en train de faire son oeuvre dans sa famille, et pas nécessairement pour le mieux.

Dans ce livre court et très dur au titre très à propos, Delphine de Vigan parle de relations, de celles qu'on s'oblige et de celles qu'on choisit. Elle nous fait nous demander la valeur des loyautés, et donne une vigoureuse claque aux ceux qui pourraient croire qu'être loyal n'entraîne que de bonnes choses. Sous son oeil, les loyautés sont plus souvent des relations dans lesquelles on a choisi de s'investir et sans lesquelles on choisit de demeurer... ou pas. Y rester implique un prix à payer, ce qui n'est pas toujours heureux. Bref, pour être loyal, il faut parfois piler sur ben des principes et renoncer à bien des choses. En voyant le résultat, ne reste que soi-même à féliciter... ou à blâmer.

Dans ce livre, on l'aura deviné, c'est pas jojo. Deux types de relations passent au tordeur: les couples, et la maternité. Les deux impliquent des choix, et qu'arrive-t-il lorsqu'après un certain temps, on se rend compte que ces choix n'étaient pas les bons?

La plume impeccable de l'auteur devient ici un microscope ou une loupe explorant des vies à première vue ordinaires. Avec le garçon déchiré entre les vies de deux parents qui se détestent, on pense inévitablement à David Goudreau et La bête à sa mère, pour ces enfants blessés profondément par les égoïsmes inconscients de parents plus ou moins naïfs. Avec l'enseignante victime de ses démons, on se rend compte de la fragilité de ceux qu'on croit les plus forts, et avec la mère qui découvre le côté insidieux des médias sociaux, on se questionne sur la place qu'on désire occuper dans la vie de ceux qui nous entourent. A-t-on besoin de faire tout ça, et si oui, pourquoi?

Delphine de Vigan est assurément une grande auteure, parce que sans réussir à l'aimer autant que tant d'autres, je ne peux toutefois pas m'empêcher de lire ce qu'elle produit depuis Rien ne s'oppose à la nuit, qui demeure, à mon sens, son grand livre. Observatrice hors pair de la société qui l'entoure, spécialiste des imperfections, elle nous brasse avec finesse, ce qui fait quand même un certain bien.

Les loyautés est un livre qui vous remet inévitablement en question. Faut y être prêt.

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