jeudi 8 février 2018

La bête et sa cage, par David Goudreault, éditions Stanké

Après ce qui lui est arrivé à la fin de La bête à sa mère, le personnage de David Goudreault se retrouve en prison. Et c'est lui, tel qu'il est, qui nous décrit le monde dans lequel il vit.

Ce personnage est fort, immensément fort. La seule création de ce personnage me fait porter un immense respect à son auteur. C'est un humain à l'état brut, qui s'est fait tout seul, sans aucune référence sociale, familiale ou affective. S'il existe de tels personnages "dans la vraie vie" on les connait peu, et avoir accès à leur vision du monde par une oeuvre de fiction est un privilège.

Bref, on explore le monde carcéral à travers le regard de ce petit délinquant qui s'avère un vrai danger public, dans le sens où le public est, pour lui, un monde inconnu, qu'il ne comprend pas. Mais voilà, ça se confirme dans ce deuxième livre, le mec n'est pas complètement con pour autant. Ce qui nous pousse à cette conclusion, c'est son désir de lire des livres. Ah, voilà, j'en vois qui décrochent, voyant là la rédemption d'un pauvre délinquant naïf et sans éducation. Mais non. Le gars ne trouvera pas son salut par les livres. Pas du tout. En fait, il lancera ainsi à certaines composantes un peu plus éveillées de son entourage le message qu'il possède un potentiel, et que si la vie n'avait pas fait de lui ce qu'il était devenu, il aurait pu devenir "quelqu'un". C'est sans doute le cas de bien d'autres gens en prison.

Reste que bien au-delà des livres, on vit la proximité d'un groupe de détenus d'une prison à sécurité maximum. De la sexualité aux relations de pouvoir, en passant par les désirs et les lubies, on voit à quel point il s'agit d'un monde parallèle. Et cette découverte d'un monde inconnu, on la fait à travers un personnage de plus en plus assumé par son auteur.

Dans son premier livre, on sentait de l'empathie pour ce personnage fini, complètement détruit, en mode survie. On souriait de ses naïvetés et on avait mal pour ses incompréhensions, ses mauvaises interprétations. Dans ce deuxième livre, on se permet à rire vraiment plus souvent avec et... de lui. L'écriture de David Goudreault est juste, fairplay. Comme pour une relation, avec un ami qu'on connait petit à petit, on développe des familiarités avec le personnage et on se permet de le trouver parfois un peu épais, naïf à outrance. Certaines de ses réparties son si savoureuses qu'on ne peut se retenir de rire. C'est inévitablement drôle. Et la force, c'est que c'est tragique en même temps. La fin de La bête dans sa cage nous le rappelle avec un grand coup de poing. La violence existe, on voit d'où elle vient et on se demande comment on pourrait maintenant la guérir alors qu'on ne l'a pas empêché de se développer.

Meilleur ou pas que La bête à sa mère? Je ne saurais dire, mais ce deuxième livre est certainement au moins aussi bon que celui qui l'a précédé. Hors de toute forme de rectitude politique mais écrit avec limpidité, sans aucune formule facile, c'est la consécration d'un auteur vraiment très fort. Lisez La bête à sa mère et si vous aimez, ne manquez surtout pas La bête dans sa cage.

Maintenant, il me reste un troisième livre pour clore cette série de David Goudreault. Je me donne un peu de temps mais je sais déjà que j'ai très hâte de plonger dedans.

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