dimanche 4 décembre 2016

L'accordeur de silences, par Mia Couto, éditions Métailié

Ce joli titre est une belle idée soit de la maison d'édition, soit du traducteur de Mia Couto (Elisabeth Monteiro Rodrigues, qui a fait un excellent travail), un écrivain lusophone mozambicain qui écrit magnifiquement bien. Cet Accordeur... est remarquable à plusieurs égards.

Un homme a quitté la ville, le monde, avec ses deux fils et un accompagnateur. Ils vivent loin de la civilisation, dans un ancien camp de chasse, dans la savane. Pour cet homme, le monde, ailleurs, ça n'existe pas. Le monde, désormais, c'est eux. Ayant fait abstraction de son passé, il imposera la même chose à ses enfants, comme plein d'autres choses. En fait, cet homme imposera sa vision du monde à son entourage, qui comprend aussi un ravitailleur, qui leur apporte des vivres de temps en temps. Or, un événement brisera cet ordre établi par le père tout puissant, et la réalité reviendra le frapper.

C'est le fils le plus jeune qui raconte l'histoire. Cette histoire est la sienne, sa relation avec son père, son frère et l'autre, un aide de camp bizarre. Au fil du temps, on découvrira combien cette réclusion pèse à l'ainé, qui parlera à de leur mère à son petit frère. Et il y a les autres, l'aide de camp, le ravitailleur... qui sont-ils vraiment?

Le petit narrateur a connu peu de choses de leur vie d'avant, aussi le suit-on, au début, dans sa découverte naïve du monde. Puis, l'influence de son frère et la tyrannie grandissante de son père le fera rêver d'un autre monde. Et arrivera ce qui devait arriver: quelqu'un de nouveau. Et ce quelqu'un est une femme...

D'une grande intelligence, cette histoire fait autant sourire qu'elle choque. Il y a quelque chose d'un conteur, chez cet auteur, qui nous tient captif. Il y a aussi beaucoup de poésie, la relation avec la terre et tout ce qui entoure les personnages est vraiment belle. Puis, lorsqu'on comprend le passé qui les a mené là, on assiste à une scène d'une violence qu'on n'avait pas vue venir. Entre tout ça, on retrouve certains chapitres écrits sous la forme de lettres qu'un des personnages adressera à un autre personnage qui lui est cher. On ira alors, avec ces lettres, vivre des émotions diverses écrites dans des mots super bien choisis.

Ce livre nous ramène à la place que nous occupons dans l'univers, dans le monde, dans notre monde, et sur nos rapports avec les autres. L'histoire, enlevante, emmène à ces réflexions, sans toutefois nous perdre dans des pensées trop profondes. Bref, c'est très habile.

Et il y a le décor, l'Afrique de nos jours, celle dont on n'entend pas parler, calme et parfois cruelle, comme cette histoire, qui est vite devenue une très belle découverte. Mia Couto est un écrivain très reconnu dans son pays, en Afrique et dans le monde lusophone. Il a écrit plusieurs livres qui ont été traduits dans plusieurs langues. Avec raison. C'est à découvrir, pour le dépaysement, tant dans la façon de raconter que par les décors présentés et les émotions suggérées.

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